Écriture

L'écriture numérique de l'architecture


Projet de thèse de doctorat.

Dans le vaste ensemble que constitue aujourd'hui le continuum numérique de conception de l'architecture, nous pouvons distinguer, à l'image de la réalité numérique elle-même, deux types de problématiques : celles qui ont trait aux aspects matériels d'une part et celles qui concernent les aspects logiciels d'autre part. Dans la partie logicielle de cette classification, le principe de la modélisation des données du bâtiment ou Building Information Modeling (BIM) est au cœur des problématiques contemporaines. Ce principe renvoie en premier lieu, et d'une façon intuitive, à l'idée d'un modèle géométrique, qui peut être appréhendé en tant qu'objet numérique 3D représentant le projet d'architecture, on parle alors de maquette numérique. L'usage de cette maquette numérique est à la source d'un changement de paradigme important dans la mesure où les plans d'architecture sont produits automatiquement par la génération de sections et de projections opérées sur cette même maquette et qu'ils ne sont plus produits directement par l'architecte lui-même qui se concentre donc sur la constitution de cet objet en volume. Si cette maquette numérique en tant que source unique des représentations planaires de l'architecture garantit la cohérence de l'ensemble des documents qui en sont extraits, rien ne garantit en revanche que la maquette elle-même soit cohérente et géométriquement consistante. Car étant composées d'éléments disparates et souvent en nombre conséquent, il est tout a fait possible que ceux-ci entrent en conflit les uns avec les autres. Or, pour que les opérations numériques de sections et de projections soient correctement réalisées, il est impératif que l'ensemble de ces éléments respecte une stricte logique d'assemblage et de juxtaposition, car tout manquement à la logique booléenne d'extériorité et d'intériorité risque de compromettre les opérations de projections et faire manquer du même coup l'objectif de cohérence spatiale qui lui était également assigné. Afin d'aborder les questions que soulèvent ce constat, il est alors nécessaire de questionner la notion d'information qui est un autre aspect important de ce nouveau paradigme. La notion d'information étant bien trop vaste et complexe pour pouvoir être abordée frontalement, elle est ici questionnée au niveau logiciel, c'est à dire au niveau du code et des langages de programmation, qui sont, à côté de la maquette numérique, l'autre tendance marquant l'évolution des pratiques contemporaines de conception. Il s'agit donc de s'interroger sur une forme d'écriture numérique qui ferait usage des langages de programmation comme d'un instrument de conception de l'architecture. Ce questionnement est adossé à une hypothèse : la numérisation progressive de l'acte de conception architecturale, en tant que passage d'un paradigme pré-numérique - ou analogique - vers une plus grande intégration de la nature mathématique qui sous-tend la logique des machines numériques, cette numérisation n'est pas encore aboutie : les interfaces graphiques des logiciels actuels font se perpétuer, au sein du monde numérique, les gestes manuels de conception et font écran à la nature profonde de ces systèmes et de leurs langages. La question de la cohérence de la maquette numérique peut donc servir de point de départ à une réflexion sur les langages formels en tant que vecteurs d'une forme de consistance des processus de morphogenèse numérique. Elle est également l'occasion de clarifier les rapports profonds qui unissent ces deux disciplines - architecture et numérique - permettant peut-être de refonder la culture architecturale numérique et de renouveler certaines méthodes et certaines réponses portant sur des enjeux contemporains de complexité systémique.